Vous jouez dans un théâtre parisien un one woman show qui raconte la conversion au Christ d’une comédienne (1). Comment avez-vous réussi à « vendre » ce spectacle ?
J’avais déjà joué auparavant dans ce lieu, le théâtre Essaïon. Quand j’ai écrit Je danserai pour toi, j’en ai joué 20 minutes devant la directrice, et elle s’est mise à pleurer. Elle m’a dit : « Je prends ton spectacle mais tu es peu connue, seule en scène, et Jésus, ce n’est pas un sujet “sexy” »… Ce fut finalement un grand succès. J’ai joué pendant six mois, et je me suis arrêtée parce que j’étais enceinte. J’ai repris en janvier.
La vie de votre personnage est très inspirée de la vôtre. Vous aussi avez senti un déclic à la mort de votre père…
Il était orthodoxe, ma mère de culture catholique. J’ai été scolarisée dans des établissements catholiques mais je m’ennuyais à la messe, au caté. J’étais un peu rebelle. La mort de mon père, alors que j’avais 26 ans, m’a plongée dans une grande tristesse. J’ai senti physiquement une gravité s’installer en moi. La vie a pris un sens plus intense.
Peu de temps après, vous êtes partie en Inde. Que cherchiez-vous ?
Je ne cherchais rien consciemment, mais j’étais prête. En Inde, on dit que « Quand le disciple est prêt, le maître arrive ». Avant de partir, j’avais rencontré deux chamanes. Ce fut le début de mon éveil à un monde invisible. La première porte vers l’existence de quelque chose de plus grand. Puis j’ai vécu l’une des plus fortes expériences mystiques de ma vie, dans le parc d’une association interreligieuse. Devant une statue d’éléphant, j’ai été enveloppée d’amour ; je ne pouvais plus bouger. Sur Internet, j’ai appris que cette statue représentait un dieu hindou, Ganesh, et je suis tombée sur la photo d’un sage hindou qui m’a attirée. Alors je suis partie. En Inde, je me suis fait raser la tête ; je changeais de vie. Et j’ai découvert la méditation ; j’ai appris l’assise, le silence. J’ai connu de grands moments de paix intérieure. Je suis restée trois mois dans un lieu spirituel, fréquenté par le monde entier.
Vous y avez rencontré un jeune Français, et Jésus…
Oui ! Ce jeune homme voyageait sans rien : un sac à dos, des tongs et une Bible. Il m’a parlé de Jésus, et il dégageait alors une telle joie, une telle lumière ! En l’écoutant, j’avais l’impression de revenir chez moi. Jésus me faisait vibrer. Dans la méditation, j’avais trouvé le calme intérieur. Mais avec Jésus, je découvrais l’altérité. Je m’adressais à un ami.
Que s’est-il passé à votre retour en France ?
J’ai lu d’une traite Lettre à un ami athée (2), de Jean-Yves Leloup, un dominicain devenu orthodoxe. Deux jours après, je partais à Saint-Michel-du-Var, monastère orthodoxe. Tout de suite, j’ai su que j’étais arrivée. J’étais ivre, j’explosais de joie pour tout. J’étais amoureuse de Jésus. Quand je priais, dans le silence, j’étais comblée. Gratuitement, sans aucun plaisir venant de l’extérieur. Aujourd’hui, avec mon mari, mes enfants, je sens une joie magnifique. Mais pas cette plénitude gratuite. Quand je fais silence, elle est toujours là. Même si je ferme les yeux, dans le métro. C’est ma maison.
Vous avez même pensé devenir moniale…
J’ai séjourné de nombreuses fois dans ce monastère. À Paris, je fréquentais l’église Saint-Gervais, où les Fraternités monastiques de Jérusalem célèbrent dans un rite proche du rite orthodoxe. Pendant six mois, j’y allais chaque jour pour communier. Je ne vivais que pour ça. J’avais touché une telle joie que plus rien n’avait de saveur : les romans, les films, les conversations avec les amis, cette couche superficielle de la vie ne m’intéressait plus. J’avais envie d’être dans l’essentiel. Tous les jours, en communiant au corps et au sang du Christ, j’avais l’impression de recevoir sa lumière dans mes cellules. Les gens me disaient d’ailleurs : « Tu es lumineuse. »
Votre conversion a donc eu un impact sur votre corps ?
Oui. Mes parents ne m’avaient pas donné de repères en termes d’éducation affective. Adolescente, j’avais été, comme cela arrive souvent, mal dans ma peau. Avec des phases de boulimie et d’anorexie. J’avais eu beaucoup d’amoureux. De plus, j’avais subi des violences sexuelles. Mon corps était un objet. Et il était abîmé. Entre 20 et 35 ans, j’ai suivi un travail thérapeutique. Mais c’est le Christ qui m’a aidée à me réparer. Je sais que mon corps est la porte pour accéder à mon âme. Il est donc beau et sacré. Je l’ai encore mieux compris il y a cinq mois, à la naissance de mon deuxième enfant, qui a été compliquée. Je ne pouvais pas le toucher mais je pouvais communier d’âme à âme. Même si le corps de mon bébé était abîmé, même s’il mourait, son âme était vivante. Cette épreuve m’a permis de mieux comprendre que corps et âme sont liés.
Votre conversion a donc aussi bouleversé votre vie affective ?
Oui puisque j’ai choisi le mariage ! L’éducation à la vie affective telle que l’enseigne le christianisme, dans le don et la responsabilité, n’a rien à voir avec ce que j’ai reçu. Au lycée, j’avais une image très négative de cette éducation catholique. Je la pensais démodée. Alors qu’en fait, elle est très moderne. Je trouve cela plus révolutionnaire de ne pas divorcer ! Certes, c’est plus exigeant. Connaître la Vérité n’est pas toujours confortable, mais je préfère être dans cette croissance.
Votre mari est catholique. Et vous ?
Bébé, j’ai été baptisée catholique et, à l’âge adulte, j’ai reçu l’équivalent de la confirmation, la chrismation orthodoxe. Je me sens chrétienne. Avec mon mari, rencontré à Saint-Gervais, nous allons à la messe catholique. Mais je me sens plus chez moi chez les orthodoxes. C’est plus facile pour moi d’accéder à l’intériorité.
Vous dites que la foi vous a structurée tout en souplesse…
J’ai trouvé la modération et l’équilibre grâce à mon mari, et grâce à l’orthodoxie, une religion de l’être debout. La foi m’a aussi apporté douceur et tendresse. Du baume. Quand je ressens la plénitude, c’est comme si j’avais un nuage à l’intérieur de moi.
La danseuse que vous êtes aime imaginer Jésus danseur…
Jésus danse, disait le moine orthodoxe, ancien danseur professionnel, que j’ai rencontré à Saint-Michel-du-Var. Dans ses liturgies, il y avait du souffle, beaucoup de grâce et de mouvement. Comme dans l’Écriture sainte : Jésus marche, il enseigne, il dîne, il prie, il guérit, il pleure, il bénit,…
Vous êtes aussi art-thérapeute. En quoi cela consiste-t-il ?
J’accompagne des personnes pour des thérapies ou du développement personnel, à travers le théâtre ou la danse. La danse permet de moins penser, de retrouver une unité à l’intérieur de soi. Des pieds à la tête. Je coanime également des ateliers « écriture et danse ». Le prochain aura pour thème le Cantique des cantiques et la nuptialité (3). Par ailleurs, j’anime des séances de danse-thérapie dans des Éhpad (établissements pour personnes âgées dépendantes), pour des personnes touchées par Alzheimer. Je danse pour elles. Quand des yeux s’ouvrent, les regards peuvent être très vivants. Parfois, des personnes se lèvent. Il m’arrive de danser avec des messieurs. Il y a peu, une dame dormait pendant toute l’heure. À la fin, j’ai passé l’Ave Maria de Schubert et un air de Carmen, et ça l’a réveillée. Elle a chanté !
Avec le recul, que pensez-vous du chemin qu’il vous a fallu pour arriver à Dieu ?
Je n’ai pas cherché Dieu consciemment. Mais Lui était là tout le temps, depuis le début. Les détours que j’ai pris pour arriver à Lui me correspondent. Ils m’ont ouvert des horizons, m’ont permis de descendre plus profondément dans le cœur et de rentrer plus à l’intérieur de moi.
(1) Je danserai pour toi, au théâtre Essaïon (Paris), jusqu’au 7 avril, puis tournée.
(2) Éd. Philippe Rey, épuisé.
(3) Voir les premières dates sur son site
Sa biographie
1978 Naissance à Paris. 2005 Mort de son père ; études d’art-thérapie. 2007 Voyage en Inde. 2007 à 2012 : Séjours réguliers dans un monastère orthodoxe. 2015 : Mariage dont naîtront Zita (2016) et Paul (2017). 2016 : Spectacle Je danserai pour toi ; reprise en 2018. |
Source : lepelerin.com
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